INVASION LOS ANGELES

John Nada, un ouvrier à la recherche de travail, découvre un étrange trafic de lunettes basé dans une église. Il découvre que ses lunettes permettent de voir les visages d'extra-terrestres qui ont décidé de conquérir la planète. Bientôt rejoint par Franck, un ouvrier, Nada entre en contact avec une organisation secrète qui cherche à éliminer les envahisseurs.

 

 

Réalisation : John Carpenter

Scénario : John Carpenter

Photographie : Gary B. Kibbe

Musique : John Carpenter et Alan Howarth

Durée : 93 minutes

Production : Larry J. Franco

Date de sortie : 1988

Genre : Science-fiction décapante

 

Roddy Piper : John Nada, Keith David : Frank Armitage, Meg Foster : Holly Thompson, Peter Jason  : Gilbert, George Buck Flower : un SDF


Cinéaste insolent s'il en est, JOHN CARPENTER a trouvé avec INVASION LOS ANGELES le moyen d'exprimer toute sa verve satirique.
Sous couvert de science-fiction, le papa d'HALLOWEEN, LA NUIT DES MASQUES et de NEW YORK 1997 signe un long-métrage qui n'épargne rien ni personne. Au cœur de la diatribe incendiaire, le capitalisme et tous ses dérivés (culte de la jeunesse, martèlement publicitaire, standardisation de la consommation, paupérisation...) inspirent un spectacle réjouissant qui n'a de cesse de tirer à boulets rouges sur les fondamentaux de la société américaine, vecteurs d'un abrutissement et d'un assoupissement général dont les "envahisseurs" (ici représentés sous les traits de monstres squelettiques) vont user sans la moindre parcimonie. Car, plus que la violence, c'est définitivement la corruption qui semble être la clé d'une invasion discrète et réussie. Et quoi de mieux que la promesse de lendemains qui chantent et de comptes en banque florissants pour endormir la race humaine, peu regardante sur la nature du corrupteur, fût-il d'une autre galaxie ?

Sombre sur le papier, la trame d'Invasion Los Angeles est pourtant loin d'engendrer le spleen dans la réalité, le traitement catchy et joyeusement cynique du cinéaste imprimant à la pellicule un ludisme qui ne se dément jamais, et ce, malgré quelques jolies percées d'émotion - la découverte du bidonville épanche la compassion naturelle du réalisateur pour tous les laissés-pour-compte du système.
Personnage phare de l'
œuvre, JOHN NADA (RODDY PIPER) traduit à merveille la hargne, mais également la soif de vivre inhérentes à John Carpenter. Moins anarchisant que son collègue SNAKE PLISSKEN (New York 1997), l'individu semble pris en étau entre sa confiance inébranlable dans le système ("J'ai foi en mon pays" affirme-t-il à un compagnon de route au moment où celui-ci lui fait part de sa conception blasée de l'american way of life) et un esprit de rébellion continuel, dualité faisant de lui le double parfait du metteur en scène, auteur se définissant lui-même comme un capitaliste amer.
Formidablement shootées par un Carpenter toujours aussi friand de plans larges esthétisants (l'influence du western est présente dans les cadrages et dans la musique) et de mouvements de caméra judicieux (pour le réalisateur, il est encore une fois hors de question de céder à la virtuosité gratuite), les pérégrinations de John Nada suscitent une passion qui va crescendo, de son arrivée sans éclat dans la Cité des anges jusqu'à la découverte des "lunettes magiques", en passant par les quelques remarquables bastons et autres fusillades musclées mettant en exergue le physique bodybuildé de Roddy Piper, catcheur évoluant avec le même bonheur dans le registre de la rudesse que dans celui de la subtilité.
Le plaisir est d'autant plus grand que jamais Carpenter ne verse dans la politisation pesante, préférant constamment l'ironie mordante à la rhétorique antilibérale de base. Ce qui ne l'empêche pas de dresser un état des lieux alarmant sur la précarisation croissante de la classe ouvrière et la corruption de la classe politicienne, deux phénomènes promis à un bel avenir. Avec ou sans extraterrestres.

Le bilan est royal : aussi croustillant côté pile (la colonisation martienne s'envisage comme l'une des plus palpitantes que nous ait livrée le cinéma de science-fiction depuis L'INVASION DES PROFANATEURS DE SÉPULTURES) que côté face (la satire débouche sur un épilogue d'un culot assez inouï), Invasion Los Angeles bouscule les conventions avec une insolence, une inventivité, mais surtout un humanisme désenchanté n'appartenant qu'à leur concepteur, lequel démontrait une nouvelle fois qu'il pouvait faire des merveilles avec une bouchée de pain, soit 4 millions de dollars. À ce titre, on ne peut que rendre hommage à l'extrême efficacité des effets spéciaux, certes d'un autre temps (les soucoupes volantes n'auraient pas dépareillé dans une série B des années 50), mais en parfaite adéquation avec l'esprit décalé du film.
Un classique indémodable.

 

★★★★★

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Commentaires: 4
  • #1

    Mr Vladdy (dimanche, 03 août 2014 10:34)

    Un excellent film que j'ai découvert il y à peu et que je trouve vraiment très bon. Maitrisé de bout en bout, c'est l'un des films de Carpenter qui vieillit le mieux à mes yeux ;-)

  • #2

    Mr Vladdy (vendredi, 08 août 2014 00:13)

    Merci pour ton commentaire. J'y répondrai plus tard mais oui je me souviens de toi et je suis content de toujours te voir dans la blogosphère. J'ai rajouté un lien de ton blog sur le mien du coup ;-)

  • #3

    Dariofulcio13 (samedi, 16 août 2014 12:06)

    Cool, une nouvelle critique ça fait plaisir ;) .

    Pour ma part j'ai vu ce film un peu trop jeune (vers 12 ans) pour apprécier à leur juste valeur les subtilités de son scénario qui se sert de son argument fantastique pour tirer à boulets rouges sur différents travers de la société contemporaine (notamment l'abrutissement par les médias, les inégalités sociales etc...). J'avais cependant bien aimé mais il me faut impérativement le revoir :)

  • #4

    allan (dimanche, 25 octobre 2015 23:39)

    je le trouve vachement cool le film. Drôlr, maitrisé, réussi...Une bonne surprise.