TÉNÈBRES

Peter Neal, auteur de romans policiers à succès, est invité à Rome à l'occasion de la sortie de son best-seller, "Ténèbres". C'est alors qu'une série de meurtres est commise dans l'entourage de l'écrivain. Avec sa secrétaire Anne, il décide de mener sa propre enquête.

 

 

Réalisation : Dario Argento
Scénario : Dario Argento

Photographie : Luciano Tovoli

Musique : Simonetti, Pignatelli, Morante

Durée : 100 minutes

Production : Claudio Argento

Date de sortie : 1982

Genre : Giallo

 

 

Anthony Franciosa : Peter Neal, Daria Nicolodi :  Anne, John Saxon : Bullmer, John Steiner : Christiano Berti, Giuliano Gemma : Détective Germani, Carola Stagnaro : Détective Altieri

 

DARIO ARGENTO est un fou furieux. Mais un fou furieux de génie qui n'a cessé (du moins dans la première partie de sa carrière) de repousser les limites de son art.
TÉNÈBRES, son huitième film, est à ranger soigneusement aux côtés des FRISSONS DE L'ANGOISSE, les deux œuvres formant le binôme de giallos le plus incontournable de toute l'Histoire du cinéma de genre transalpin. Pourtant, bien qu'indispensables, les deux frères de sang présentent un visage radicalement différent. Aussi lumineux et avare en éclairages baroques que son ancêtre était opaque et rutilant, Ténèbres se montre également plus brutal et dérangeant que son prédécesseur.

Avant de pénétrer dans cet univers cauchemardesque, il est donc fortement conseillé d'attacher sa ceinture de sécurité et de se préparer au pire... sachant que le pire équivaut souvent au plus délicieux dans le petit monde du réalisateur, grand sadomasochiste devant l'éternel.
Investi corps et âme dans ce projet, le maestro tricote un polar haut de gamme qui donne le sentiment d'être obsédé par un impératif : amener le genre giallo à un niveau supérieur. Pari tenu, Ténèbres est le troisième film constitutif du genre avec SIX FEMMES POUR L'ASSASSIN et Les Frissons de l'angoisse.
Dynamitée par un traitement faisant la part belle à la psychologie, aux traumas violents, mais aussi au cartésianisme (l'enquête policière fait preuve d'une rigueur que l'on avait rarement croisée dans la filmographie de l'Italien), la figure traditionnelle du tueur en série ganté et tout de noir vêtu franchit un nouveau cap.

Nouveau cap parce qu'elle semble plus malfaisante et insaisissable que jamais. Nouveau cap parce qu'elle s'incorpore dans une architecture urbaine contemporaine qui joue un rôle prépondérant dans le déroulement de l'action.  Nouveau cap parce qu'elle nous interroge sur la responsabilité incombant à chaque artiste.
Les meurtres sont tout aussi modernes.
Qu'ils se déroulent de jour (fascinante mise à mort d'une voleuse condamnée à ingurgiter le roman qu'elle avait tenté de dérober quelques minutes auparavant) ou de nuit (hallucinant double homicide d'un tandem de lesbiennes), ils parachèvent le processus macabre d'un réalisateur au sommet de son art.
Gros plans fétichistes sur les visages convulsés par la peur, plan-séquence sans fin sur le toit d'une maison, courses-poursuites en caméra portée criantes de réalisme, images en trompe-l’œil manipulant les émotions, contemplations de corps baignant dans des flaques de sang esthétisantes : Dario Argento déploie une virtuosité confondante.
Mené de main de maître par le magnétique PETER NEAL (ANTHONY FRANCIOSA, très charismatique) et par une petite équipe d'enquêteurs amateurs dont la persévérance force le respect (mention spéciale à la secrétaire ANNE, incarnée par DARIA NICOLODI), Ténèbres forme un puzzle complexe que le public aura bien du mal à assembler avant l'épilogue, le scénariste Dario Argento ayant pris soin de verrouiller sa création de manière à ce que personne ne puisse la déchiffrer avant la fin.

Avec une surprise de taille à l'arrivée. Miraculeusement préservée jusqu'aux ultimes soubresauts de l'intrigue, l'identité de l'assassin scelle une expérience qui demeure l'une des plus addictives et pénétrantes du giallo, genre encore une fois métamorphosé par le génie visionnaire de l'auteur. 
Plus que jamais, le fossé entre les films d'exploitation suiveurs des années 70 et ceux de Dario Argento apparaît comme abyssal. 

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Dariofulcio (samedi, 20 août 2016 20:08)

    Je ne peux qu'être à 200% d'accord avec ton enthousiasme. "Ténèbres" c'est objectivement parlant mon film préféré d'Argento (subjectivement ce serait "Phenomena" vu que c'est par celui-ci que j'ai découvert le réalisateur^^), celui qui frôle l'excellence, le sans faute, l'un des seuls que je pourrai regarder 452698 fois avec toujours le même palpitant. C'est aussi celui qui possède le whodunit le plus tordu (donc génial) que j'ai pu voir dans un Giallo. L'ambiance épurée est superbement en contraste avec les meurtres sanglants - mon dieu cette exécution à la hache, voilà ce qui s'appelle "repeindre les murs" :/ - et je dois avouer que le plan final avec ce long cri d'horreur représente à mes yeux le final parfait d'un film d'horreur. Quand tu veux Dario pour nous refaire un film de cet acabit (oui on peut toujours rêver^^)...

  • #2

    theblackscreen (dimanche, 21 août 2016 14:42)

    "Quand tu veux Dario pour nous refaire un film de cet acabit (oui on peut toujours rêver^^)..."

    Cela fait bientôt trois ans qu'il planche sur "The Sandman", film censé marquer son grand retour (qualitativement parlant) dans les salles. Visiblement, la production a été traversée par quelques gros problèmes de financement...
    Il a intérêt à ne pas se rater car cela pourrait fort bien être son dernier film - mine de rien, le maestro approche des 80 ans !